
Jugement de la Cour suprême : Valard Construction Ltd. c. Bird Construction Co.
Le 15 février 2018, dans l’affaire Valard Construction Ltd. c. Bird Construction Co., la Cour suprême du Canada a rendu une décision qui fera jurisprudence. Cette décision aura des répercussions importantes sur l’industrie de la construction et du cautionnement relativement aux obligations d’un bénéficiaire en vertu d’un cautionnement pour le paiement de la main-d’œuvre et des matériaux qui sera tenu d’informer d’éventuels réclamants de l’existence d’un cautionnement. Le résumé suivant présente des renseignements généraux sur cette affaire.
Bird Construction Company, un entrepreneur général, a conclu un contrat de sous-traitance avec Langford Electric Ltd. Langford a fourni à Bird un formulaire type CCDC 222‑2002 de cautionnement pour le paiement de la main-d’œuvre et des matériaux (formulaire de désignation de fiduciaire) sur lequel Langford a désigné Bird comme bénéficiaire. À titre de bénéficiaire, Bird est donc identifié comme fiduciaire. Pour sa part, Langford a conclu un contrat de sous-sous traitance avec Valard Construction Ltd. Moins d’un an après les derniers travaux réalisés par Valard, Langford a été mise sous séquestre. Ni Bird pas plus que Langford n’ont informé Valard que Langford avait affiché un avis de cautionnement à l’intention de Bird. Après que Valard eut effectué les travaux pour Langford, cette dernière a omis de payer les factures de Valard et, de son côté, Valard n’a informé Bird au sujet de son différend de paiement avec Langford qu’après l’expiration du délai pour déposer une réclamation relativement au cautionnement affiché par Langford pour le bénéfice de Bird. Quand Bird a été avisé du défaut de paiement, Bird a alors informé Valard au sujet de l’existence du cautionnement. Par la suite, Valard a déposé une réclamation à la caution, mais celle-ci l’a rejeté parce que la période de notification de 120 jours pour déposer une réclamation était expirée depuis longtemps. Valard a donc intenté une poursuite contre la caution, a ajouté Bird comme défendeur et, par la suite, a poursuivi cette action uniquement contre Bird en alléguant n’avoir été informé du cautionnement qu’après l’expiration de la période de notification de 120 jours pour déposer une réclamation en vertu du cautionnement. Valard a également allégué que Bird, à titre de bénéficiaire en vertu du cautionnement, avait l’obligation fiduciaire d’informer Valard de l’existence du cautionnement. En 2015, le juge de première instance a rendu une décision en faveur de Bird et ce jugement a été confirmé par la Cour d’appel de l’Alberta en 2016.
Dans sa décision finale le 15 février 2018, la Cour suprême a renversé la décision de la Cour d’appel de l’Alberta et a statué qu’un bénéficiaire agissant comme fiduciaire en vertu du cautionnement pour le paiement de la main-d’œuvre et des matériaux selon le formulaire CCDC avait l’obligation fiduciaire d’informer tous les bénéficiaires de l’existence du cautionnement.
Nous invitons les partenaires courtiers de Trisura à prendre connaissance des conseils utiles suivants qui pourraient les aider quand ils auront à s’entretenir avec leurs clients entrepreneurs.
Qu’est-ce que cette décision pourrait signifier pour les entrepreneurs ?
- L’entrepreneur comme débiteur principal en vertu d’un cautionnement – Quand un entrepreneur est contractuellement tenu d’afficher un cautionnement, il est dès lors considéré comme étant le débiteur principal en vertu du cautionnement. C’était le cas de Langford dans l’affaire Valard. Considérant que l’obligation fiduciaire est la responsabilité du bénéficiaire, nous nous attendons à ce que les bénéficiaires, en vertu des contrats de cautionnement, transfèrent au débiteur principal leur obligation d’informer les réclamants éventuels de l’existence du cautionnement. Dans de telles situations, les débiteurs principaux, en vertu des cautionnements, sont tenus d’informer les réclamants potentiels de l’existence de ce cautionnement en insérant une copie de celui-ci dans leurs contrats de sous-traitance et leurs bons de commandes.
- L’entrepreneur comme bénéficiaire en vertu d’un cautionnement – Inversement, quand par exemple un entrepreneur général exige de ses sous-traitants et fournisseurs qu’ils affichent des cautionnements (à savoir dans les situations où l’entrepreneur général est le bénéficiaire et le sous-traitant est le débiteur principal), l’entrepreneur général peut passer outre ce processus de notification onéreux en remettant une copie de cette exigence contractuelle à ses sous-traitants et fournisseurs.
Comment les entrepreneurs peuvent-ils s’assurer que les travailleurs soient informés de l’existence du cautionnement ?
Quand et comment les réclamants potentiels peuvent-ils être informés de l’existence du cautionnement ? Cela dépend des caractéristiques propres à chaque projet. Ainsi, dans l’affaire Valard, l’un des éléments sur lesquels la Cour suprême s’est fortement appuyée était le fait que ce projet spécifique, à savoir un projet de construction dans le secteur des sables bitumineux, constituait un type de projet qui historiquement ne faisait l’objet d’aucun cautionnement au Canada.
Cependant, il existe plusieurs concepts généraux qui s’appliquent à la plupart des situations et que les entrepreneurs auraient avantage à mettre en application :
- Si une remorque sur un chantier ou un autre lieu de rencontre est fréquenté par des réclamants potentiels, une copie du cautionnement devrait être affichée bien en vue sur ce lieu.
- Si l’entrepreneur est informé de tout différend en matière de paiement entre des parties qui pourrait faire l’objet d’une réclamation en vertu du cautionnement, l’entrepreneur devrait alors fournir immédiatement une copie du cautionnement à la partie alléguant un défaut de paiement.
- Si l’entrepreneur est avisé de tout privilège, il devrait alors fournir au demandeur du privilège une copie du cautionnement.
- L’entrepreneur devrait préciser dans ses contrats de sous-traitance l’existence de tout cautionnement et encourager ses sous-traitants à faire inclure de telles dispositions dans leurs contrats de sous-traitance et leurs bons de commandes.
- L’entrepreneur ne devrait jamais dissuader un réclamant potentiel de déposer une réclamation en vertu d’un cautionnement en contraignant les parties au litige à résoudre la situation avant le dépôt d’une réclamation.
Trisura est d’avis que l’utilisation adéquate des cautionnements et l’application de la décision dans l’affaire Valard permettront à plus de compagnies de construction de déposer des réclamations opportunes. Cette décision s’inscrit très bien dans la mouvance des paiements sans délai et d’autres lois comparables qui renforcent la possibilité pour tous les intervenants dans l’industrie de la construction d’être payés leur dû et sans délai.